Texte tiré de Le Cru et le cuit, Vol.1 les Mythologiques, Claude Lévi-Strauss (Plon, 1964, pp.74-75)
Mythe 7 Kayapo-Gorotiré: origine du feu
"Ayant repéré un couple d'aras nichés au sommet d'un rocher abrupt, un Indien emmène son jeune beau-frère, nommé Botoque, pour l'aider à capturer les petits. Il le fait grimper sur une échelle improvisée, mais, parvenu à la hauteur du nid, le garon prétend n'y voir que deux oeufs. (Il n'est pas clair s'il ment ou dit vrai.) Son beau-frère les exige; en tombant, les oeufs se changent en pierres qui le blessent à la main. Furieux, il enlève l'échelle et s'en va, sans comprendre que les oiseaux étaient échantés.
Botoque reste prisonnier pendant plusieurs jours, en haut du rocher. Il maigrit; la faim et la soif l'obligent à consommer ses propres excréments. Enfin, il aperçoit un jaguar tacheté, portant un arc et des flèches et toutes sortes de gibier. Il voudrait l'appeler à son secours, mais la peur le rend muet.
Le jaguar aperçoit l'ombre du héros sur le sol; il essaye vainement de l'attraper, lève les yeux, s'informe, répare l'échelle, invite Botoque à descendre. Effrayé, celui-ci hésite longtemps; il se décide enfin, et le jaguar amical lui propose de monter sur son dos, et de venir chez lui se repaître de viande grillée. Mais le jeune homme ignore le sens du mot "grillé", car en ce temps-là, les Indiens ne connaissaient pas le feu et se nourrissaient de viande crue.
Chez le jaguar, le héros voit un grand tronc de jabota qui se consume; à côté, des tas de pierre comme les Indiens en utilisent aujourd'hui pour construire leurs fours. Il fait son premier repas de viande cuite.
Mais la femme du jaguar (qui était une indienne) n'aime pas le jeune homme qu'elle appelle me-on-kra-tum ("fils étranger, ou abandonné"); malgré cela, le jaguar, qui est sans enfant, décide de l'adopter.
Chaque jour, le jaguar part à la chasse, laissant son fils adoptif avec sa femme qui témoigne une croissante aversion; elle ne lui donne à manger que de la viande vieille et racornie, et des feuilles. Quand le garçon se plaint, elle le griffe au visage, et le pauvret doit chercher refuge dans la forêt.
Le jaguar réprimande sa femme, mais en vain. Un jour, il donne à Botoque un arc tout neuf et des flèches, lui apprend à s'en servir et lui conseille de l'utiliser contre la marâtre, si besoin est. Botoque tue celle-ci d'une flèche en pleine poitrine. Terrifié, il s'enfuit, emportant ses armes et un morceau de viande grillée.
Il arrive à son village en pleine nuit, trouve à tâtons la couche de sa mère, se fait reconnaître non sans peine (car on le croyait mort); il raconte son histoire, distribue la viande. Les Indiens décident de s'emparer du feu.
Quand ils arrivent chez le jaguar, il n'y a personne; et comme la femme est morte, le gibier tué de la veille est resté cru. Les Indiens le font rôtir, emportent le feu. Pour la première fois, on peut s'éclairer de nuit au village, manger de la viande cuite, et se réchauffer à la chaleur du foyer.
Mais le jaguar, rendu furieux par l'ingratitude de son fils adoptif qui lui a volé "le feu et le secret de l'arc et des flèches", restera plein de haine envers tous les êtres, et surtout le genre humain. Seul le reflet du feu brille encore dans ses prunelles. Il chasse avec ses crocs et mange sa viande crue, car il a solennellement renoncé à la viande grillée."
mardi 27 septembre 2011
mercredi 27 juillet 2011
Le budin de pan
Ou de retour au pays de l’empanada et du bife de lomo
Par Jean-Baptiste*
Allergiques du drapeau, n’oubliez pas vos paquets de mouchoirs et vos comprimés d’anti-histaminiques si vos pas vous mènent un jour dans la ville de Rosario en Argentine. Vous irez sans doute jeter un œil à la curiosité locale –l’épouvantable monument au drapeau; alors, abattus par le poids de cette expression très concrète et massive de la lourdeur de l’esprit de clocher peut-être irez vous jusqu’à la rive toute proche pour prendre une grande bouffée d’air et qui sait, si le temps est propice et l’horaire adéquat, une brume providentielle descendra-t-elle le cours du Paraná, chargée de l’humidité parfumée d’agrumes sauvages de la forêt subtropicale et portant les échos du grognement d’un jaguar, du glissement d’un anaconda et du cliquetis de la machine à écrire d’Horacio Quiroga.
Par Jean-Baptiste*
Allergiques du drapeau, n’oubliez pas vos paquets de mouchoirs et vos comprimés d’anti-histaminiques si vos pas vous mènent un jour dans la ville de Rosario en Argentine. Vous irez sans doute jeter un œil à la curiosité locale –l’épouvantable monument au drapeau; alors, abattus par le poids de cette expression très concrète et massive de la lourdeur de l’esprit de clocher peut-être irez vous jusqu’à la rive toute proche pour prendre une grande bouffée d’air et qui sait, si le temps est propice et l’horaire adéquat, une brume providentielle descendra-t-elle le cours du Paraná, chargée de l’humidité parfumée d’agrumes sauvages de la forêt subtropicale et portant les échos du grognement d’un jaguar, du glissement d’un anaconda et du cliquetis de la machine à écrire d’Horacio Quiroga.
Le Parana depuis Rosario |
L’esprit à nouveau disposé à vagabonder, vous pourrez pousser la porte d’un des innombrables cafés dont les boiseries diffusent aux angles des carrefours une nostalgie toute ríoplatense**. Derrière la vitrine du présentoir dont les montants dorés prolongent le comptoir de laiton sur lequel se reflètent en silhouettes imprécises les photographies jaunies de migrants en regard sombre qui déambulent dans les rues poussièreuses d'avant le drapeau, attendent les pâtisseries traditionnelles qui pourront accompagner un réconfortant submarino:un part de faln casero***, un budin de pan.
Le « budín de pan » est la variation ríoplatense du pudding. C’est un plat simple, consistant, résolument anti-gaspillage puisque son ingrédient principal est le pain sec, mais qu’un peu d’imagination peut transformer en un délicieux dessert dont la saveur s’adapte en fonction de votre inspiration. C’est le plat de la grand-mère, du salon de thé, des dimanches après-midi, du goûter en rentrant à la maison.
Recette du budín de pan :
- Pour commencer, conservez votre pain sec jalousement : rien pour les pigeons, rien pour la poubelle, c’est la farine de la mie de pain qui est recyclée pour faire notre gâteau. Baguette, pain complet, aux céréales, aux noisettes, à la farine de châtaigne, tout est bon, tout se mélange et apportera de la variété chaque fois que vous ferez cette recette.
- Munissez-vous d’un bon couteau à pain et ôtez la croûte. Ne vous inquiétez pas, vous avez affamé les pigeons mais vous nourrirez les souris : impossible de ne pas faire sauter des miettes de pain sec dans toute la cuisine. Un coup de balai suffira si vraiment vous n’aimez pas les animaux.
- Découpez la mie en petits morceaux, déposez la dans un saladier et recouvrez la de lait. Laissez la mie bien s’imbiber et homogénéisez en malaxant avec une fourchette. Ajoutez un œuf pour un petit saladier, mélangez bien et reversez dans un plat à gâteau.
- Accommodez : sucrez très peu ou ajoutez une grosse cuillérée de confiture (celle que vous avez au frigo fera tout à fait l’affaire, ou celle un peu liquide avec des gros morceaux de fruits que vous avez préparée l’année dernière) et mélangez grossièrement.
- Préparez la croûte : saupoudrez du sucre sur la préparation –de préférence un sucre parfumé comme du sucre de canne complet ou de la panela– mais sans mélanger : en cuisant la couche de sucre se transformera en une délicieuse croûte qui ne rend pas nécessaire de sucrer la préparation.
- Enfournez dans le four préchauffé à 180°C jusqu’à ce que la surface prenne une belle coloration mordorée (entre 20 minutes et 1h30 selon la quantité de lait que vous avez mise et la densité que vous souhaitez obtenir).
- Laissez reposer au froid pour que le budín se tasse bien.
Budin de pan |
* Ses autres articles sur ce blog:
Sur la viande argentine et la provoleta: Bienvenus au royaume de la viande et des empanadas!
Sur le mate: Comment préparer un mate?
**Le Río de la Plata est le fleuve séparant l'Argentine de l'Uruguay, entre autres choses. Le Río de la Plata est aussi une véritable région culturelle.
***La recette du flan casero sur ce lien.
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vendredi 8 juillet 2011
Un encoca'o à San Lorenzo
Il m'aura fallu de longs
mois, dans l'attente de l'orage, le bon, le seul, l'unique, celui qui
accompagné de son encombrante moiteur et chargé de ses si grosses
gouttes, allait réussir à m'emmener jusqu'à San Lorenzo, petite
ville dressée sur pilotis sur les rives portant les paletuviers de
la mangrove équatorienne.
Le petit port de San Lorenzo |
San Lorenzo, un soir
de pluie, comme tant d'autres
Il est encore tôt mais
il fait nuit depuis déjà plus de trois heures, la pluie tombe, de
plus en plus fort, les moustiques rodent. De la salsa romantica
emplit d'émotion les passants, le bingo familial est terminé,
les débits de boisson locaux se remplissent et seul le bruit
incessant des camions et motos vient rompre le charme de cette soirée
tropicale.
Nous arpentons les rues
de la petite ville, nous aventurant dans les rues mal éclairées, à
la recherche d'un repas que nous aurions mieux fait de prendre
avant, car à San Lorenzo, on dîne tôt. Pas de dîner en
perspective, nous dégotons deux énormes maduros* que nous
engloutissons, affamés comme deux voyageurs égarés que nous
sommes. Puis, à défaut de restaurant ou autre gargotte, nous
finissons à l'entrée d'un petit bar vibrant au rythme de bachatas
assourdissantes, assis sur des tabourets de plastiques, une bière à
la main, sans doute une deuxième...
La pluie ne s'est pas
arrêtée, les nids de poule des rues se sont remplis d'eau, c'est
donc les pieds trempés que nous arrivons dans notre chambre, prêts
à bondir sous la toile protectrice tendues au dessus du lit. Quel
délice d'écouter la pluie qui tombe lourdement, bien à l'abri sous
une moustiquaire dans la petite chambre que nous occupons pour ces
quelques nuitées passées ici. Souvenir de pluie, de tiédeur
enveloppante et de salsa pour ces nuits sur pilotis...
Crevettes à foison
Les locaux auraient tort
de se passer de la consommation de ces petites bêtes envahissant
toujours plus, année après année, les morceaux de mer contenus par
les mangroves. Les crevettes grandissent bien et vite en ces eaux
chaudes et nourrissantes, et les industriels, petits et grands, ont
vite intégré le filon que pouvait représenter cette zone côtière,
à la frontière de la Colombie. Malheureusement, ces élevages
contribuent grandement à la perte de la biodiversité locale et
privent les habitants de leurs ressources traditionnelles, notamment
la pêche, contaminée par la polution des élevages.
Si le poisson n'est pas
toujours présent dans les assiettes, la crevette, elle, trône
royalement à toutes les pages des menus. La langoustine n'est pas en
reste et côtoie sa petite soeur, à des prix à peine plus élevés.
Atablés au Ballet
Azul, un petit restaurant aux murs recouverts de carrelage bleu,
à l'angle de la rue principale de San Lorenzo; une fois de plus,
entre el ceviche de langostinos, los langostinos reventados
et el encoca'o de camarones, nous optons pour ce dernier. La
patronne, désormais habituée à nous compter parmi ses clients,
nous offre un sourire. Les deux encoca'o ne tardent pas à
arriver, enrobant la petite salle d'une odeur chaude et sucrée.
Une recette d'encoca'o
de crevettes
Les trois étapes
préalables à la cuisine
Pour faire de ce plat une
réussite, je vous invite comme première étape et premier
ingrédient à penser les tropiques, vos tropiques. Les images qui
sont votres, rappelées à votre mémoire par le souvenir de douceurs
d'un voyage ou simplement imaginés, rêvées.
La deuxième étape vous
fera passer par le poissonnier, c'est là toute la difficulté de la
recette, car les crevettes ne poussent pas dans nos champs et ne
foisonnent pas sur nos rivages. La plupart du temps, elle viennent de
loin et ne coûtent presque rien, au détriment des travailleurs qui
les pêchent et des populations qui vivent à proximité des
gigantesques élevages. Alors comment faire ? Je dois avouer que
je n'ai pas trouvé la solution idéale. La voie que j'ai choisie (et
cela vaut pour les tous les produits de la mer que je consomme,
c'est-à-dire très peu) et celle du plaisir rare. Si nous décidons
de faire un encoca'o, c'est presque un événement en
cuisine ! Je collecte patiemment les différents ingrédients ;
puis, le jour venu, j'attaque le poissonnier de mes interrogations,
et repars malheureusement avec peu de réponses, et éventuellement,
un peu de crevettes, si ses réponses m'ont paru relativement
satisfaisantes et les bêtes appétissantes.
La troisième étape est
le temps d'un dîner la victoire de l'exotisme sur le local, car on
ne cuisine pas une recette tropicale avec du chou rave et du
brocoli ! Ceci dit, il est préférable de cuisiner ce plat en
été, puisqu'il comporte des tomates.
Pour deux personnes, il
vous faudra :
Deux poignées de
crevettes (si vous vivez à proximité de zones de pêche de
langoustines, ne vous privez pas!) ; une boîte de lait de
coco ; deux tomates bien mûres et goûtues, des oignons (sucrés
de préférences) et une botte de coriandre. De l'huile, quelques
« dents » d'ail et un morceau de piment (éventuellement
du poivron si vous préférez un plat plus doux, on trouve du poivron
vert français en ce moment, profitons-en!), un demi citron et du
sel.
En accompagnement :
du riz et du platano pisa'o (la recette!), ou des frites
de manioc (la recette!).
Le plat est simple mais
fameux : faites revenir l'ail et le piment dans l'huile, jetez
les oignons découpés grossièrement, et faites-les revenir jusqu'à
ce qu'ils soient tendres (et digestes). Ajoutez les tomates découpées
en petits morceaux, un peu de jus de citron, faites les cuire un peu
puis versez le lait de coco. Une fois que celui-ci a chauffé, faites
cuire les crevettes dans le lait. Parsemez le tout de coriandre
fraîche.
Puis voyagez par le goût, l'odeur, et le plaisir...
*maduros :
bananes plantain grillées ; en Equateur, elles peuvent se
manger ainsi, bien chaudes et tendres à souhait, ou ouvertes en
deux ; dans ce cas, selon les régions, on y ajoute une lamelle
de fromage frais ou une patte de poulet grillé...
jeudi 21 avril 2011
Salade littéraire au soleil
Nouveau voyage gastronomique en littérature en ce mois d'avril déjà bien avancé; profitons-en, afin de célébrer cette douce chaleur enveloppant nos corps d'une tiédeur réconfortante, pour rire d'une salade...
Comment Gargantua mangea en salade six pelerins, Gargantua, chapitre XXXVI
"Le propos requiert que racontons ce qu'advint à six pelerins qui venaient des Saint Sebastian près de Nantes, & pour soi héberger celle nuit de peur des ennemis s'étaient mussés on jardin dessus les poyzars entre les choux et laitues.
Gargantua se trouva quelque peu altéré et demanda si l'on pourrait trouver de laitues pour faire salade. Et entendant qu'il y en avait des plus belles et grandes du pays, car elles étaient grandes comme pruniers ou noyers, y voulut aller lui-même et en emporta en sa main ce que bon lui sembla. Ensemble emporta les six pelerins, lesquels avaient si grand peur qu'ils ne osaient ni parler ni tousser. Les lavant doncques premièrement en la fontaine, les pelerins disaient en voix basse l'un à l'autre: Qu'est-y de faire? nous nayons ici, entre ces laitues, parlerons-nous? mais si nous parlons il nous tuera comme espies. Et comme ils délibéraient ainsi, Gargantua les mit avecques ses laitues dedans un plat de la maison, grand comme la tonne de Cisteaux, et avecques huile, et vinaigre, et sel, les mangeait pour soi rafraîchir davant souper, et avait jà engoullé cinq des pélerins.
Le sixième était dedans le plat, caché sous une laitue, excepté son bourdon* qui apparaissait au-dessus. Lequel voyant Grandgousier dit Gargantua: Je crois que c'est là une corne de limasson, ne le mangez point. Pourquoi? dit Gargantua. Ils sont bons tout ce mois. Et tirant le bourdon, ensemble enleva le pélerin et le mangeait très bien. Puis beut un horrible trait de vin pineau, et attendirent que l'on apprêtât le souper.
Les pelerins ainsi dévorés se retirènt hors les meules de ses dents le mieux que faire purent, & pensaient qu'on les eût mis en quelques basse fosse des prisons. Et lorsque Gargantua beut le grand trait, cuidèrent noyer en sa bouche, et le torrent de vin presque les emporta on gouffre de son estomac. Toutefois, sautant avecques leurs bourdons comme font les micquelots, se mirent en franchise l'orée des dents.
Mais par malheur l'un d'eux, tâtant avecques son bourdon le pays, à savoir s'ils étaient en sûreté, frappa rudement en la faulte d'une dent creuse, et ferut* le nerf de la mandibule. Dont fit très forte douleur à Gargantua, et commença crier de rage qu'il endurait. Pour doncques se soulager du mal, fit apporter son cure-dents, et sortant vers le noyer grollier*, vous denigea messieurs les pelerins. Car il arrapait l'un par les jambes, l'autre par les épaules, l'autre par la besace, l'autre par la fouillouze*, l'autre par l'écharpe; & le pauvre hère qui l'avait féru du bourdon, le accrocha par la braguette. Toutefois, ce lui fut un grand heur, car il lui perça un bosse chancreuse, qui le martyrisait depuis le temps qu'ils eurent passé Ancenys. Aisni les pelerins dénigés d'enfuirent à travers la plante le beau trot, et apaisa la douleur.
En laquelle heure fut appelé par Eudemon pour souper, car tout était prêt. Je m'en vais doncques (dit-il) pisser mon malheur. Lors pissa si copieusement que l'urine trancha le chemin aux pelerins, et furent contraints passer la grande boire. Passant de là par l'orée de la Touche, en plein chemin tombèrent tous, excepté Fournillier, en une trappe qu'on avait fait pour prendre les loups à la trainée. Dont échappèrent moyennant l'industrie du dit Fournillier, qui rompit tous les lacs et cordages. "
* Bourdon: bâton de pèlerin
*ferut: passé simple du verbe férir, frapper
*noyer grollier: le noyer à nix si dures que seuls les grolles (les corbeaux) peuvent les casser
*la foillouze: la bourse
De nombreuses notes sont disponibles dans l'édition La livre de poche, la Pochothèque, Les cinq livres
&
Joyeuses Pâques!
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mercredi 23 février 2011
Petit déjeuner tropical
Comme tous les matins, la grande maison de bois s'agite dès 5h30. Le soleil dort encore profondément, quand le maître de maison est déjà occupé par mille tâches. La fraîcheur matinale est douce, compatissante avec nos corps à peine éveillés.
Une fièvre du coin m'a clouée au lit hier soir, j'ai ainsi fait une longue nuit, et je me décide plus vite que la veille à soulever un coin de moustiquaire. Aucun moustique ne m'attaquant, je pose mes deux pieds au sol, enfile quelque vêtement, et pousse le volet en bois. Le rio Esmeralda semble plus paisible que de jour, pas encore de pirogue pour perturber son sommeil. L'odeur lourde de la terre témoigne de l'averse nocture, chiens, poules et cochons se sont glissés pendant la nuit entre les pilotis pour se mettre à l'abri du plancher.
Soudain, un ronflement du grand-père, plus fort que le précédent, réveille un des enfants ; ce dernier saute du lit, ébranle la maisonnée, le gros chien noir soulève l'une de ses oreilles, s'essaye à aboyer, cela réveille le plus gras des cochons, qui en se levant bouscule le dindon, lequel mécontent pince son voisin canin, celui-ci lance un aboiement, et le soleil, dans un gigantesque baîllement, fait enfin son apparition.
Et pourtant, ce n'est guère le moment. J'enfile mes chaussures, descends admirer le fleuve s'étirant, et pars aider à l'installation du petit atelier de transformation des fèves de cacao. Ce seront bien deux ou trois bonnes heures de travail avant le petit déjeuner, ces quelques fèves séchées me tiendront compagnie d'ici là.
Vers 8h30, l'appel de la cuisine se fait entendre, les outils sont lâchés, le sourire aux lèvres nous délaissons le travail et montons dans la maison nous atabler en silence.
Ce matin, "guanta"* bouilli, servi en soupe. Chacune hume son grand bol et s'attèle à déguster son morceau de viande, cuit dans un bouillon salé. Au milieu de la table, une grande assiette offre à volonté des bananes plantain bouillies, et le riz déborde d'un saladier. Café au lait ou infusion d'herbe pour tous, nous dépareillons à consommer notre café à l'eau, étranges étrangers que nous sommes.
*Guanta (je ne connais pas la véritable orthographe du mot, la retranscription est phonétique): petit animal hargneux, élevé pour être mangé, met de choix dans le coin. Surtout ne pas passer la main au travers de la grille pour lui chatouiller les moustaches. Se contenter de le regarder et de le manger.
Petits Voyages Gastronomiques fête ce 23 février ses deux ans de périple...L'article le plus lu, la recette apparemment la mieux appréciée? L'empanada d'Argentine!
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jeudi 10 février 2011
Le «coup du milieu», plaisir alcoolisé du 19ème siècle
Les bonnes habitudes se perdent, peut-être est-ce préférable, tâchons cependant de ne pas les oublier.
Qui aujourd'hui pratique encore le trou normand ? Vous savez, ce petit coup de gnôle accompagné de glace, ou dit autrement la coupelle de glace arrosée d'un coup de gnôle; l'alcool variant selon les territoires, le goût souhaité, l'alcool disponible dans le placard, ou encore les parfums de glace restant dans le congélateur l'été fini.
Trou normand: Sorbet au fruits, arrosé d'une eau-de-vie lui convenant (ananas et kirsch, citron et vodka, orange et cognac, poire et eau-de-vie éponyme, etc.), servi au milieu d'un repas copieux, afin d'exercer une action « digestive » et de stimuler l'appétit avant les autres plats. (Dictionnaire de la cuisine d'Eric Glatre)
Je ne sais s'il en est vraiment l'origine, mais le « coup du milieu » tel qu'Alexandre Balthazar Laurent Grimod de la Reynière le définit en 1804 dans l'Almanach des gourmands y fait immanquablement penser.
Le texte qui suit provient donc de cet ouvrage, l'Almanach des gourmands; j'ai moi-même trouvé cette courte mais savoureuse histoire du « coup du milieu » dans l'Ordre des Mets, de Jean-Louis Flandrin, publié en 2002.
« C'est à la ville de Bordeaux, si chère sous tant de rapports aux Gourmands et aux vinographes, que nous devons cette admirable invention, trait de génie qui donne les moyens de faire un second dîner, et qui double en quelque sorte les forces des estomacs les plus débiles.
Entre le rôti et les entremets, c'est-à-dire vers le milieu du dîner, on voit à Bordeaux les portes du lieu du festin s'ouvrir, et apparoître une jeune fille de 18 à 22 ans, grande, blonde, bien faite, et dont tous les traits doivent porter l'empreinte de l'engageance. Elle a ses bras retroussez jusqu'à l'épaule, et tient d'une main un plateau d'acajou, dans lequel sont entaillés autant de verres qu'il se trouve de convives, et de l'autre un flacon de cristal de Montcenis, rempli, soit de rhum de la Jamaïque, soit de vin d'Absinthe, soit de Vermouth (quoique cette dernière liqueur appartienne plus spécialement au coup d'avant qu'à celui du milieu). Ainsi armée, notre Hébé fait le tour de la table, en commençant par le plus Gourmand ou le plus qualifié des convices. Elle verse à chacun un verre du nectar amer qu'elle est chargée de distribuer, et se retire ensuite en silence ; car le Coup du Milieu doit toujours être simple.
L'effet du coup du milieu est presque magique. Nous laissons aux médecins le soin d'en expliquer les causes, et nous bornant à en raconter les effets, nous dirons que chaque Gourmand se sent alors dans les mêmes dispositions qu'en se mettant à table, et qu'il est prêt à faire honneur à un second dîner. Aussi le principal soin de l'Amphitryon doit-il être de ne pas faire arriver le Coup du milieu trop tard, parce qu'alors chacun auroit de l'appétit de reste.
Cet usage a pris depuis quelques années une telle faveur à Paris, qu'il n'est point de table un peu bien servie où il ne soit adopté. Les dames surtout, ici comme à Bordeaux, font un cas particulier du Coup du milieu. »
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mercredi 12 janvier 2011
Alerte aux empanadas!
Buenos Aires, quartier d'Almagro |
Après 2 ans de pratique des empanadas maison, il est je pense venu le temps de modifier certaines des données mises sur ce blog le 15 février 2010 (http://petitsvoyagesgastronomiques.blogspot.com/2010/02/et-voici-la-recette-des-empanadas.html). Non pas que les écrits datant de cette lointaine époque ne soient plus d'actualité, mais convenons-en, il est indispensable de secouer les habitudes – ancrées dans les cuisines - et de penser à remettre en jeu les pratiques culinaires.
J'en resterai cependant aux empanadas argentine, la découverte cette année d'autres empanadas dans un petit pays d'Amérique Latine n'ayant évidemment pas réussi à détrôner les mythiques empanadas du pays du tango et des gauchos.
La recette de la pâte
Je me dois d'insister sur la présence nécessaire de beurre. Tout bien réfléchi – et cuisiné, une pâte d'empanadas sans beurre, c'est un peu comme une pâte brisée sans beurre. Pas trop, non, ce n'est pas la peine. Et tant qu'à faire, si cela ne vous incommode pas, prenez du beurre demi-sel – mais n'oubliez pas en ce cas de ne pas saler la pâte (ou très très peu). Disons 80g de beurre pour 8 cuillères à soupe d'huile au total. (olive et tournesol).
En Argentine, la graisse de vache fait souvent office de matière grasse dans la préparation de telles pâtes. La « grasa de vaca » n'est pas utilisée – ou peu – de ce côté de l'atlantique, et je ne suis pas une grande adepte du saindoux – ou graisse de porc - , j'en resterai donc à l'huile et au beurre.
Notez que la pâte se conserve très bien au congélateur, sans micro-onde il faut juste penser à la sortir quelques heures avant le repas pour pouvoir l'utiliser.
Les garnitures
L'empanada morron y queso
Deux modifications après cette remarque préalable : pour les français et autres européens ou habitants des contrées nordiques, cette recette n'est pas de saison, laissez tomber les poivrons d'Almeria en Espagne, les conditions de production sont monstrueuses, passons-nous du poivron. Cependant, pour les mois de fin de printemps et d'été lorsque le poivron fait son grand retour sur les étals, négligez le sac en plastique. Certe la texture donnée au poivron par l'enfermement dans un petit sac après cuisson est appréciable, mais le plastique, c'est pas bon. Il suffit de laisser le poivron patienter à l'air libre après la cuisson dans le four, il n'en sera que meilleur.
Quant au fromage, j'ai choisi par souci de qualité des aliments de passer à de la vraie mozzarella, et d'abandonner ces blocs de faux fromage, le résultat n'en est que meilleur. La mozzarella au lait de bufflonne (la vraie de vraie!) est assez chère, la moyennement vraie (au lait de vache) est une solution intermédiaire fort acceptable. N'hésitez pas à mélanger les fromage pour varier les plaisirs gustatifs : un peu de comté ou de parmesan rapé donne d'agréables notes aux empanadas.
Une variante d'empanada à la bidoche
L'empanada de carne al cuchillo, c'est bon, excellent même lorsque c'est bien préparé, mais il faut prendre le temps de découper la viande, et je reconnais, le temps manque parfois. Or lorsque l'envie d'empanadas est là, il ne faut pas la négliger. Aussi voici une variante de garniture à la viande très rapide à préparer, et qui donne un bon résultat en bouche.
Il vous faudra pour cela : un steak haché 5% mat grasse, un oignon, une gousse d'ail, de l'huile d'olive, du chimichurri (http://petitsvoyagesgastronomiques.blogspot.com/2010/03/le-chimichurri-condiment-au-piment-qui.html) et 5-6 olives vertes concassées (ainsi qu'un oeuf dur si vous voulez mettre un petit morceau d'oeuf à l'une des extrémités de l'empanada). Faites revenir l'oignon émincé et l'ail écrasé dans un peu d'huile d'olive, ajoutez la viande hachée destructurée, les olives et le chimichurri sec. Une fois la farce cuite (pas trop, ce n'est pas la peine, étant donné qu'elle cuit à nouveau dans l'empanada), garnissez les pâtes, et mettez à cuire 15-20 minutes dans un four à 180°C.
Et voilà.
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