Le soleil cogne fort malgré l'épaisse couche nuageuse, j'attends stoïquement que la température baisse, suant à grosses gouttes sans bouger, assise sur un vieux canapé en velours. Je prends quelques notes dans mon carnet noir, assise dans ce salon que je ne connais presque pas. Nous sommes en cette chaude journée les invités d'Eleonor, femme Shuar vivant à Macas depuis déjà quelques années. Avant, c'était la vie en forêt, et un autre prénom sûrement.
Eleonor vit en ville, mais a conservé un mode de vie shuar, le petit jardin entourant sa maison en est le témoignage le plus frappant. Nous y déambulons un certain temps, en écoutant avec attention Eleonor nous conter les vertus de telle plante, les pouvoirs de celle-ci, la forte saveur de celle-là. Pas de plante ornementale dans le jardin, uniquement de l'utile : plantes médicinales, aromatiques, contraceptives, pour infusions ou décoctions, tout est là, survie garantie, phytothérapie shuar oblige !
Un paquet d'imposants tubercules bruns dans les mains, Eleonor m'annonce le menu du goûter : frites de manioc et wayusa* à volonté.
Un doux souvenir de dégustation de frites de manioc sur une plage lointaine me revient, je lance timidement : « peut-être puis-je participer à la préparation des frites? » Eleonor, ravie, m'invite dans sa cuisine, et c'est ainsi que je découvre avec joie quelques uns des secrets de la préparation du manioc.
La première chose lorsque l'on habite loin de toute contrée tropicale est de se procurer du manioc. Toute épicerie « exotique » se respectant en propose en quantité, le manioc constituant l'aliment de base pour nombre de peuples. Evidement, le tubercule vient de loin, le bilan carbone de la recette n'est sûrement pas excellent. Mais l'aventure culinaire appelle souvent le produit lointain. Aussi pour éviter toute culpabilité si la recette vous tente, remplacer votre prochain achat de café et de chocolat par un tubercule de manioc.
1- Saisissez le manioc avec votre main la moins habile, et avec l'autre, à l'aide d'un grand couteau, cassez l'épaisse écorce marron du tubercule en tapant dessus dans le sens de la longueur avec le côté tranchant du couteau, lame légèrement inclinée, en prenant bien garde de pas vous couper !
Cela paraît assez rudimentaire, mais la technique est efficace.
Brisez cette écorce jusqu'à ce vous puissiez retirer toute entière l'écorce blanche (et rose) apparaissant sous l'écorce marron.
2- Lavez soigneusement le manioc une fois débarassé de ses couches d'écorce, puis découpez-le en deux morceaux plus ou moins identiques. Coupez à nouveau les deux morceaux, mais dans le sens de la longueur cette fois, afin de laisser apparaître le coeur du manioc.
3- Ôtez le coeur fibreux en tapant dessus avec la lame inclinée d'un grand couteau, en évitant soigneusement de vous blesser.
4- Coupez chacune des quatre parties en morceaux plus petits, afin que la cuisson se fasse plus facilement, puis mettez à cuire à la vapeur, avec l'instrument de votre choix, pendant 30 minutes.
5- Les trente minutes passées, récupérez votre manioc, débitez-le en petits tronçons et faites-les frire, ou revenir dans un peu d'huile. Je ne suis pas une grande adepte de la friture, j'ai donc préféré faire revenir mes frites dans un fond d'huile, qui doit cependant être suffisant pour faire griller tous les côtés de la frite !
6- Retirez les frites, déposez-les sur un papier absorbant, salez modérément, et mangez ! En accompagnement d'un plat de viande ou de poisson, parfaites dans une assiette végétarienne, peut-être encore meilleures en apéro avec une bonne bière, je vous laisse chercher l'inspiration !
*wayusa: herbe servant à la préparation d'infusions. Elle est notamment consommée par les shuars et les achuars.
Ca y est, on sait enfin quoi faire de ces gros machins qu'on trouve dans toutes les épiceries de château Rouge et Belleville. Cool!
RépondreSupprimerMusique du monde... cuisine du monde! Merci pour la recette. J'en avais goûté mais je ne savais pas faire!
RépondreSupprimerExcellent récit! Et faut bien dire : qu'est-ce que c'est bon le manioc "rôti"! Perso, ça me rappelle le Costa Rica, et j'imagine qu'à la mode équatorienne, ¡el yuca frito es también super rico!
RépondreSupprimerBenoît