mardi 30 mars 2010

3- COMMENT PREPARER UN MATE


Par Jean-Baptiste

Photo de Jean-Baptiste


MATE OU MALOUINES: SUS AUX ANGLAIS!
Amis lecteurs et lectrices, l'impatience vous guette, vous trépignez en attendant de goûter le maté, ce fascinant breuvage, mais encore un mot d'avertissement: oubliez les conseils peu avisés des marchands de produits « detox », des magazines féminins numéros spécial été comment maigrir et des étiquettes marketing bio -le maté, consommé par les indiens traditionnels des petits villages andins. Poubelle! Le maté ne se consomme surtout pas comme du thé et n'est pas une boisson réservée aux adeptes du régime saisonnier ni aux aventuriers en quête d'authenticité et de villages d'indiens bariolés.



Crions le sur les toits: halte à l'infusion! Boutons la théière hors du pays Guarani. La couronne britannique a pris les Malouines mais ne prendra pas le maté!

Pourquoi le maté n'est pas du thé?
- Le maté ne se boit pas dans une tasse de thé : munissez-vous d’un récipient adéquat et d’une paille idoine.
- L'herbe reste dans le récipient et on rajoute de l'eau au fur et à mesure. Pas question de retirer après avoir laissé infusé pendant 2 à 3 minutes. Et faut-il le rappeler: il ne faut pas que le maté infuse!
- Pas d'eau bouillante: Si l'eau est trop chaude, toute l'amertume du maté sera libérée en une fois. Résultat : les premières gorgées seront imbuvablement amères, les suivantes seront plates.
- Le maté ne se consomme pas à l'heure du thé, mais toute la journée, particulièrement si c'est un dimanche ensoleillé sur une promenade au bord du Rio de la Plata, debout, assis par terre ou sur un banc. A Montevideo, on ne descend pas acheter ses clopes sans le maté dans la main droite, la thermos dans la gauche et le sucre sous l'aisselle. Il n'est pas non plus rare à Buenos Aires de voir prendre le maté dans le métro en allant au boulot.
PARA HACER UN BUEN MATE
Et maintenant, passons enfin à la pratique: comment servir un bon maté. On parlera ici du maté comme il se boit en Argentine. Attrapons donc dans la matera (le sac compartimenté du buveur de maté) les ustensiles et les ingrédients:


- le maté (le récipient: la calebasse, c'est plus agréable, mais avec un verre, ça marche aussi)
- la bombilla (la paille, prononcez Bombicha)
- la yerba mate (c'est-à-dire l'herbe ; prononcez Cherba Maté)
- la thermos avec l'eau chaude (mais pas bouillante, on répète, 70°-80°C)
- le groupe d'amis (car le maté est un rite social)
- un paquet de galletitas (des petits crackers salés ; prononcez Gachétitas)

1°/ Remplir le maté au 3/4 de yerba mais pas plus: la yerba gonfle quand on ajoute l'eau.
2°/ Boucher le maté avec le creux de la main et remuer de manière à bien homogénéïser la yerba qui, rappelons le, est un mélange de feuilles séchées (hojas), tiges (palo) et poudre (polvo).




3°/ Incliner le maté de manière à pouvoir déposer la bombilla dans le fond du maté.
4°/ Verser l'eau petit à petit. Laisser l'herbe gonfler. Aspirer les première gorgées (si elle sont trop amères, on à le droit de les recracher, mais discrètement, et de préférence pas au milieu du couloir du métro!).







5°/ Remplir à nouveau d'eau. La température est idéale quand se forme une mousse onctueuse à la surface. Déguster en ne remuant surtout pas la bombilla. Attention, on ne toutouille pas dans le maté avec la bombilla, sinon au choix, elle se bouche et tout est à recommencer, ou bien l'herbe passe dedans et on a de l'herbe plein les dents!
6°/ On remplit à nouveau et on passe le maté à son voisin.
7°/ On recommence autant de fois que l’on veut jusqu’à épuisement du paquet de galletitas.


Et surtout n'oublions pas: MATE BOUILLU, MATE FOUTU!

LES VALEURS DU MATE
Le maté est moment social important. Comme dirait mon voisin argentin, el mate es compartir: le maté ne se boit pas, il se partage!
Mais l'Argentine ayant bien retenu les leçons du FMI et la notion de propriété privée: il y a celui qui sert le maté et qui garde la main sur l'eau: le cebador; et ceux qui reçoivent un coup à boire mais qui n'ont pas le droit de se resservir: les potes et les inconnus avec qui on papotte.
Résumons : le cebador sert un maté et tend le récipient à quelqu'un. Celui-ci boit son maté tranquillement, on n'est pas pressé, et rend le récipient au cebador qui remplit la maté à nouveau pour le passer à quelqu'un d'autre (dans l'opération, la bombilla n'aura pas bougé d'un quart de poil, sinon, c'est yerba dans les dents, poil aux dents).




Un détail: boire un maté suppose donc de partager un moment ensemble, mais aussi de partager l'hygiène bucco dentaire: adeptes des gels hydroaclcooliques, passez votre chemin: on utilise tous la même paille sans l'essuyer!

LES VARIANTES
- Le maté peut aussi se boire sucré. Dans ce cas, on rajoute à chaque tour un peu de sucre en poudre ou liquide dans le maté, ou directement dans l'eau de la thermos. Nous, on préfère le maté amargo (amère). C'est un peu comme le café noir: quand on commence, on préfère.
- Le maté peut se boire froid. C'est le mode privilégié de consommation au Paraguay. Dans ce cas, on met de l'eau glacée dans la thermos, tout simplement, et on appelle ça un téréré. On peut aussi aromatiser avec de la menthe ou du zeste d'agrumes.
- Le maté cocido: pour les adeptes du sachet, il se présente comme un sachet de thé, et s'utilise comme un sachet de thé (avec de l'eau bouillante... et oui...)
LES TRUCS ET ASTUCES DE LA ABUELA (MERE GRAND):
- Avant d'utiliser pour la première fois un maté traditionnel (en calebasse), il faut préparer le maté, "curar" en espagnol. Pour cela, il faut laisser reposer le maté rempli de yerba humide pendant deux jours à l'issu desquels il faut gratter la partie molle.
- La abuela dit qu'il faut tremper le bout de la bombilla mouillée dans du sucre en poudre avant de la plonger dans le maté. La fine couche de sucre étant censé empêcher la yerba de pénétrer dans la bombilla (poil aux dents!). Ca me paraît aussi utile qu'un foetus de lama pour apporter prospérité, mais bon, c'est pour faire plaisir à la abuela.
Allez, bon maté !

vendredi 26 mars 2010

2- Qu'est-ce que le maté?

Un souvenir parmi d'autres

J’ai quitté la gare de Retiro tôt hier soir. Seule, mon sac sur le dos, puis en soute le sac, contre un petit ticket que l’on donne en arrivant pour récupérer son bagage contre l’échange de quelques pesos. Surtout ne pas perdre le petit ticket !
Direction Posadas, province de Missionnes, Nord-Est argentin. Quelques 14h de voyage, en semi-cama, le cama est un peu trop coûteux. Repas servi à bord, milanesa garantie, café à volonté au réveil, quel faste !
J’ai rendez-vous à 12h30 à la gare de bus. C’est pour l’instant tout ce que je sais.
Réveil à 7h30, bruit assourdissant provenant du poste de télévision déchaîné. Je ferme mes oreilles et regarde par la fenêtre. Le jour est bien éveillé lui aussi, la route est droite, et semble encore bien longue. Moment privilégié des longues routes en solitaire, entre rêve et émerveillement bien réel, le réveil et le premier regard que l’on pose sur la route. Après plusieurs centaines de kilomètres, le paysages est inconnu, quel délice !
Et à ce moment là, que vois-je par la fenêtre ? Une terre plutôt foncée, plantée d’arbres courts sur patte, aux feuilles d’un vert foncé et semble-t-il depuis le bus épaisses. Les plants sont réguliers, il s’agit donc bien de plantations. « Ca y est, j’y suis ! - Où me répond mon verre de café sucré ? – Au pays du maté bien sûr ! ».

Argentine, juillet 2007


La plante

Souvent définie à tort comme une plante voisine du thé, le maté est une espèce sud-américaine du genre llex, de la famille des aquifoliacées. Son petit nom est Ilex paraguariensis. Ce nom lui aurait été attribué par le naturaliste et botaniste français Auguste de Saint-Hilaire en 1822.

Les plantes issues de cette famille sont de petits arbres ou des arbustes, généralement à feuilles persistantes épineuses, des régions tempérées à tropicales. En France, il s’agit du houx.


Le maté est cultivé dans le nord-est argentin, dans le sud du Brésil, et au Paraguay. Les feuilles une fois récoltées, séchées et transformées en un mélange de feuille concassées (parfois avec les tiges, parfois sans, c’est-à-dire con o sin palo, selon les goûts), sont consommée sous forme d’infusion. Mais attention, il ne s’agit pas de thé, et l’art de consommer le maté doit se pratiquer selon les règles adéquates. (Décrit dans le troisième épisode à venir de cette histoire du maté).

L’origine

Le mot mate provient du quechua « mati », qui signifie calebasse, récipient traditionnel et encore très courant servant à consommer le maté.

La yerba mate était déjà consommée de façon courante par les Guaranis du Paraguay lorsqu’au début du 17ème siècle les Jésuites décidèrent de s’y installer et de créer les missions jésuites, autrement nommées « réductions jésuites ».
Ils y développèrent entre autres la culture du maté, qui prit bien souvent par la suite l’appellation de « thé des Jésuites ».



Le troisième épisode arrive très prochainement, dans les jours qui viennent. Vous y découvrirez notamment (si vous ne le savez pas encore) comment se consomme le maté!

lundi 22 mars 2010

1- Avant l'Argentine, du maté dans les tropiques

Beaucoup pensent tout d’abord « Argentine » lorsque l’on évoque ce breuvage à base d’herbe.

Pourtant le maté se consomme dans de nombreux pays d’Amérique Latine – Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Chili, j’en oublie sûrement - et même si les méthodes de consommation et les noms varient, la plante et le principe restent les mêmes : une herbe concassée versée dans un récipient (calebasse, tasse en métal, verre, sabot de vache, etc.) sur laquelle on verse de l’eau, froide ou chaude, le mélange obtenu se buvant à l’aide d’une bombilla, pipette, paille en métal, etc.


Machine servant à la récolte du maté, Posadas, Argentine, juillet 2007


De la littérature pour éclairer sur la consommation du maté, avec ce texte de Tristes tropiques, Claude Lévi Strauss :


« Mais deux fois par jour – à 11h30 le matin, et à 7 heures le soir – tout le monde se réunissait sous la pergola qui entourait les pièces d’habitation pour le rite biquotidien du chimarrão, autrement dit le maté bu au chalumeau. On sait que le maté est un arbuste de la même famille que notre yeuse, dont les rameaux, légèrement torréfiés à la fumée d’un foyer souterrain, sont moulus en une poudre grossière, couleur réséda, qui se conserve longtemps en barils. J’entends le vrai maté, car le produit vendu en Europe sous cette étiquette généralement subi de si maléfiques transformations qu’il a perdu toute ressemblance avec l’original.

Il y a plusieurs façons de boire le maté. En expédition, lorsque, épuisés, nous étions trop impatients du réconfort instantané qu’il apporte, nous nous contentions d’en jeter une grosse poignée dans l’eau froide vite portée à ébullition, mais retirée du feu – cela est capital- au premier bouillon, sinon le maté perd toute sa valeur. On l’appelle alors cha de maté, infusion à l’envers, vert sombre et presque huileuse comme une tasse de café fort. Quand le temps manque, on se contente du téréré qui consiste à aspirer avec une pipette l’eau froide dont on arrose une poignée de poudre. On peut aussi, si l’on redoute l’amertume, préférer le maté doce, à la façon des belles Paraguayennes ; il faut alors faire caraméliser la poudre mêlée de sucre sur le feu vif, noyer cette mixture d’eau bouillante et tamiser. Mais je ne connais pas d’amateur de maté qui ne place plus haut que toutes ces recettes le chimarrão, qui est à la fois un rite social et un vice privé, ainsi qu’il se pratiquait à la fazenda.

On s’assied en cercle autour d’une petite fille, la china, porteuse d’une bouilloire, d’un réchaud et de la cuia, tantôt calebasse à l’orifice cerclé d’argent, tantôt – comme à Guaycurus – corne de zébu sculptée par un péon. Le réceptacle est aux deux tiers empli de poudre que la fillette imbibe progressivement d’eau bouillante ; dès que le mélange forme pâte, elle creuse, avec le tube d’argent terminé à sa partie inférieure en bulbe percé de trous, un vide soigneusement profilé pour que la pipette repose au plus profond, dans une menue grotte où s’accumulera le liquide, tandis que le tube doit conserver juste assez de jeu pour ne pas compromettre l’équilibre de la masse pâteuse, mais pas trop, sinon l’eau ne se mélangera pas. Le chimarrão ainsi disposé, il n’y a plus qu’à le saturer de liquide avant de l’offrir au maître de maison ; après qu’il a aspiré deux ou trois fois et retourné le vase, la même opération a lieu pour tous les participants, hommes d’abord, femmes ensuite s’il y a lieu. Les tours de répètent, jusqu’à épuisement de la bouilloire. Les premières aspirations procurent une sensation délicieuse – au moins à l’habitué, car le naïf se brûle – faite de contact un peu gras de l’argent de ébouillanté, de l’eau effervescente, riche d’une mousse substantielle : amère et odorante à la fois, comme une forêt entière en quelques gouttes concentrée. Le maté contient un alcaloïde analogue à ceux du café, du thé et du chocolat, mais dont le dosage (et la demi-verdeur du véhicule) explique peut-être la vertu apaisante en même temps que revigorante. Après quelques tournées, le maté s’affadit, mais de prudentes explorations permettent d’atteindre avec la pipette des anfractuosités encore vierges, et qui prolongent le plaisir par autant de petites explosions d’amertume. »


Texte tiré de Tristes tropiques, Claude Lévi-Strauss, cinquième partie. – Caduveo, XVIII. – Pantanal


Ce texte évoque la consommation du maté dans le sud du brésil, dans les années 30. L’argentin consomme aujourd’hui le maté différemment, mais les similarités sont tout de même frappantes.



A suivre en deux parties cette semaine:


Qu'est-ce que le maté? Puis les argentins et le maté, ou comment se consomme le maté en Argentine?

mercredi 3 mars 2010

Le Chimichurri, condiment au piment qui ne pique pas trop!

Le chimichurri, c’est coloré :

Un peu de rouge,


Un peu de vert,

Un peu de blanc aussi:


Sec, c'est-à-dire sans huile et sans vinaigre, cela peut ressembler à cela:















En un peu grossi:
















Le Chimichurri, c’est un condiment argentin, principalement utilisé pour accompagner la viande grillée, la carrrrrne!


Il accompagne également très bien un morceau de pain sec ou moins sec, une salade, ou encore une empanada qui manquerait un peu de matière « humide ».


Après avoir mené l’enquête sur la fabrication maison du chimichurri, voici la liste des ingrédients nécessaire et la manière de procéder, la recette en somme. Je n’entrerai pas dans le détail des proportions, c’est inutile m’a-t-on dit, puisque la magie du chimichurri, c’est qu’aucun ne ressemble à un autre…

Il s’agit d’une sauce, ou d’un condiment, à base d’huile, d’herbes et d’épices. Il vous faudra donc de l’huile d’olive ou d’arachide, des herbes, et des épices.


La recette :


De l’origan

Du persil séché

De l’ail sec concassé

Du poivre

Du piment rouge coupé très fin ou séché en petits morceaux

Du vinaigre

De l’huile

Du sel


Mélangez dans un bol les ingrédients secs selon la proportion souhaitée. Dans un autre récipient, mélangez 6-7 cuillères à soupe d’huile pour une cuillère à soupe de vinaigre de vin. Versez les ingrédients secs dans le mélange huile-vinaigre puis remuez jusqu’à l’obtention d’une sauce épaisse.


Bien entendu, vous pouvez ajouter d’autres herbes et/ou épices si cela vous chante et vous inspire : pourquoi pas du piment vert ou un peu d’oignon déshydraté ?


Deux principes fondamentaux: tous les ingrédients doivent être coupés très fin, et le tout ne doit pas trop piquer; en effet, l’argentin ne mange pas très épicé, respectons la tradition !