mercredi 22 décembre 2010

Intermède littéraire: petit voyage au XIXème siècle

C'est bientôt Noël, il neige plusieurs fois par semaine à Paris  et les palmipèdes gras ont attaqué la capitale...


Lundi matin, à l'aube, j'ai aisément pu suivre leurs traces dans une des allées des Buttes Chaumont, dans le 19ème arrondissement parisien...


Le texte qui suit provient de l'ouvrage Physiologie du goût de Jean Anthelme  Brillat-Savarin.

Méditation VI, §III. volailles. 34.


" [...] Nous ne nous sommes pas contentés des qualités que la nature avait données aux gallinacées; l'art s'en est emparé, et, sous prétexte de les améliorer, il en a fait des martyrs. Non seulement on les prive des moyens de se reproduire, mais on les tient dans la solitude, on les jette dans l'obscurité, on les force à manger, et on les amène ainsi à un embonpoint qui ne leur était pas destiné. 
Il est vrai que cette graisse ultra-naturelle est aussi délicieuse, et que c'est au moyen de ces pratiques damnables qu'on leur donne cette finesse et cette succulence qui en font les délices de nos meilleures tables. 
Ainsi améliorée, la volaille est pour la cuisine ce qu'est la toile pour les peintres, et pour les charlatans le chapeau de Fortunatus; on nous la sert bouillie, rôtie, frite, chaude ou froide, entière ou par partie, avec ou sans sauce, désossée, écorchée, farcie, et toujours avec un égal succès."


Bonnes et joyeuses volailles! 
Et au plaisir de vous retrouver sur ce blog dès janvier 2011 pour de nouveaux périples gastronomiques. 

mardi 14 décembre 2010

Douceur alcoolisée d'altitude en Equateur: le canelazo

En Equateur, parfois, il fait froid. Inconscient voyageur partant sous ces chaudes latitudes, n'oubliez jamais que l'altitude amène en tout territoire son lot de fraîcheur. Bien entendu, en Equateur, point de neige à 2850 mètres, encore moins à 1800 mètres.
Quel rapport entre les deux mesures ? Les deux endroits d'Equateur où j'ai dégusté et apprécié un canelazo, le grog ou vin chaud local. Pas de vin, pas de rhum, qu'importe, une lichette d'alcool de canne, de l'eau chaude paraissant citronnée et de la cannelle offrent réconfort et tiédeur oesophagienne.


2850 mètres, Quito, à la recherche d'un dîner.
Dans le vieux Quito, mieux vaut dîner tôt.
Proverbe pour la première fois énoncé à la suite d'un court séjour dans la capitale équatorienne. Après 19h, il devient fort délicat de trouver une gargotte quelconque pour se restaurer. Et je ne parle pas de la quête d'un luxueux dîner, sinon d'un vague seco de carne* ou d'une vulgaire fritada**. Impossible. Errance dans les rues pentues et enfumées de la capitale, nous n'irons cependant pas dans le Quito moderne, aspirant à rejoindre la réalité de ces rues abandonnées à la nuit tombante.

Je vous épargne le trajet mille fois répété ce soir-là, entre espoir d'une chaude empanada ou d'un maduro*** grillé.
Puis...
Cette petite rue, là-bas, devant nous,nous y discernons une faible lumière sortant d'une fenêtre, allons-y! Debors une gigantesque bouteille thermos repose sur un frêle guéridon. Nous humons l'affaire, et toquons à la porte vitrée, une dame sort et nous demande si nous souhaitons un canelazo. Nous devinons bien qu'il ne s'agit ni d'un légume -même inconnu, ni de viande, mais acceptons sans faiblir devant cette spécialité inconnue, il fait froid. Ni chaise, ni banc, c'est le rebord du trottoir qui accueille nos postérieurs.

Le canelazo :

Pour une bonne tournée :
Quelques écorces de cannelle, disons deux clous de girofle, du sucre complet de canne, de l'écorce d'orange, deux - trois feuilles d'oranger, un litre d'eau, de l'alcool de canne, et c'est là que ça se complique, de la pulpe de naranjilla, fruit totalement inconnu dans nos contrées, et pour cause, il ne pousse qu'en Equateur, Pérou et Colombie. Le goût de la naranjilla est relativement acide, nous le situerons entre celui du citron et de l'ananas. Optons donc pour deux oranges et un citron pressés, avec leur pulpe.

Faites bouillir l'eau accompagnée de la cannelle, des clous de girofle, du sucre et de l'écorce d'orange pendant 5 minutes. Pendant ce temps, ajoutez les oranges et le citron pressés dans un demi litre d'eau, mélangez; puis versez cette préparation dans la première. Faites bouillir 5 minutes supplémentaires. Jetez les feuilles d'oranger, fermez avec un couvercle et laissez reposer 5 minutes. Filtrez.
Dans un grand verre, versez la quantité d'alcool souhaité (là-bas il s'agit le plus souvent d'un alcool de canne titrant dans les 40°), ajoutez la préparation chaude, buvez. (Avec modération tout de même, c'est fort ces choses là.)

*seco : plat de viande très courant dans tout l'Equateur, en sauce ou sec, accompagné de riz, d'un morceau de banane plantain ou d'avocat selon la région, et d'un peu de salade locale (tomate, oignon)
**fritada : plat de viande de porc légèrement ou abondamment frite dans l'huile, accompagné de pommes de terre et/ou de maïs grillé et/ou soufflé, de banane plantain.
***maduro : banane plantain mûre, cuite et mangée en tant que casse-dalle dans la rue ou en accompagnement de plat salé.