Comme tous les matins, la grande maison de bois s'agite dès 5h30. Le soleil dort encore profondément, quand le maître de maison est déjà occupé par mille tâches. La fraîcheur matinale est douce, compatissante avec nos corps à peine éveillés.
Une fièvre du coin m'a clouée au lit hier soir, j'ai ainsi fait une longue nuit, et je me décide plus vite que la veille à soulever un coin de moustiquaire. Aucun moustique ne m'attaquant, je pose mes deux pieds au sol, enfile quelque vêtement, et pousse le volet en bois. Le rio Esmeralda semble plus paisible que de jour, pas encore de pirogue pour perturber son sommeil. L'odeur lourde de la terre témoigne de l'averse nocture, chiens, poules et cochons se sont glissés pendant la nuit entre les pilotis pour se mettre à l'abri du plancher.
Soudain, un ronflement du grand-père, plus fort que le précédent, réveille un des enfants ; ce dernier saute du lit, ébranle la maisonnée, le gros chien noir soulève l'une de ses oreilles, s'essaye à aboyer, cela réveille le plus gras des cochons, qui en se levant bouscule le dindon, lequel mécontent pince son voisin canin, celui-ci lance un aboiement, et le soleil, dans un gigantesque baîllement, fait enfin son apparition.
Et pourtant, ce n'est guère le moment. J'enfile mes chaussures, descends admirer le fleuve s'étirant, et pars aider à l'installation du petit atelier de transformation des fèves de cacao. Ce seront bien deux ou trois bonnes heures de travail avant le petit déjeuner, ces quelques fèves séchées me tiendront compagnie d'ici là.
Vers 8h30, l'appel de la cuisine se fait entendre, les outils sont lâchés, le sourire aux lèvres nous délaissons le travail et montons dans la maison nous atabler en silence.
Ce matin, "guanta"* bouilli, servi en soupe. Chacune hume son grand bol et s'attèle à déguster son morceau de viande, cuit dans un bouillon salé. Au milieu de la table, une grande assiette offre à volonté des bananes plantain bouillies, et le riz déborde d'un saladier. Café au lait ou infusion d'herbe pour tous, nous dépareillons à consommer notre café à l'eau, étranges étrangers que nous sommes.
*Guanta (je ne connais pas la véritable orthographe du mot, la retranscription est phonétique): petit animal hargneux, élevé pour être mangé, met de choix dans le coin. Surtout ne pas passer la main au travers de la grille pour lui chatouiller les moustaches. Se contenter de le regarder et de le manger.
Petits Voyages Gastronomiques fête ce 23 février ses deux ans de périple...L'article le plus lu, la recette apparemment la mieux appréciée? L'empanada d'Argentine!